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                                                       Pourquoi marcher quand on peut danser
                                                        Les capucins, Embrun - 2019
                                                    
                                               En présence de Camille Vivier, avec une note de
                                  Clara Pacotte et un son de Livio Mosca.

                                 














Tortillé.x.s en arrière, 2019
∗bois, peinture acrylique, latex






Superbe bègue, 2019

∗bois, peinture acrylique, silicone









ČAHÛ, ĆANTÛ, ĆESTÚ....X, 2019

∗bois, peinture acrylique, silicone












Fugue, let’s talk in code, 2019

∗bois, peinture acrylique, silicone




Tortillé.x.s en arrière, 2019
∗bois, peinture acrylique, latex, résine












Enthousiasme II, 2019

∗bois, peinture acrylique, latex, métal










Tortillé.x.s en arrière, 2019

∗bois, peinture acrylique, silicone, métal







Sombre voltige, 2019

∗bois, peinture acrylique, silicone, ampoules







Écornifleuses, 2019

∗résine, textile







Frau Trofea, 2019

∗bois, peinture acrylique, silicone, textile, métal










Enthousiasme I, 2019

∗bois, peinture acrylique, textile






les infernal.x.s, 2019
collaboration avec Camille Vivier
∗photographie, tirage sur papier awagami























Karin Schlageter sur l’exposition Pourquoi marcher quand on peut danser :

Pourquoi marcher quand on peut danser. Pourquoi s’en tenir à la seule fonctionnalité des objets et des gestes ? Comment dépasser l’opposition entre l’utile et l’inutile ? L’art peut-il se fondre, se confondre avec la vie ? Le contact avec les œuvres que Cécile Bouffard a réalisées pour le Centre d’art contemporain Les Capucins nous invite à renouer avec un effort d’attention. Il nous faut prendre le temps de les considérer et de percevoir les intentions et les affects qui les traversent. Chaque ligne, chaque volume, est comme une pensée qu’il y aurait à entendre, et à laquelle destiner notre écoute.

Face à ces formes, peut-être sommes-nous gagnés par le trouble ou la confusion. Le regard qui dérive, s’attarde sur une courbe suggérant une anse ou une poignée, un potentiel usage ; et puis tel fil raconte la corde d’une guitare, et ce morceau de tissu rembourré nous enveloppe dans l’idée d’un confor t élégant et douillet. Mais le bois enduit, poncé et peint semble être froid et dur comme du métal, le vrai dur semble mou, les lambeaux de latex ne savent pas nous dire s’il s’agit là d’une matière plastique ou organique. Les teintes des peintures, textiles et autres matériaux renvoient au fard, au cuir, à la chair, à l’os, un nuancier camé de l’épiderme. Pourtant, tout rest en suspens car les indices que les formes donnent sont sans cesse remi en jeu, déjoués. La métamorphose est permanente, et la forme peut à tout moment basculer de l’autre côté du familier, dans l’étrange et le bizarre, la gêne ou l’inconfor t. En se maintenant à la lisière entre différents états, ces sculptures se tiennent là comme le champ des possibles. Cette indécision est vitale : c’est le signe d’une entrée en résistance, d’un refus de se laisser définir, enfermer dans une case.

Il y a des œuvres qui invitent à se nouer, et imaginer des manières d’être à plusieurs. Ainsi de ce triple-fauteuil, variation sur le motif du confident ou de la conversation, ou de ce groupe de diapasons qui semble s’accorder comme le ferait un chœur. Il y a des formes douces et organiques qui accueillent et font se rencontrer les points extrêmes de la Terre, qui les font avancer ensemble, comme « l’instinct aveugle, mais convergent et harmonique d’un essaim d’abeilles » (Proudhon, Propriété,1840).
Il y a des figures virevoltantes, des sortes d’insectes ou de parasites, il y a des figures musicales, des formes lumineuses comme des lampions – et puis il y en a d’autres plus molles et plus lourdes aussi, moins enthousiastes, qui se laissent entraîner dans la ronde, ou simplement bercer par cette fête, happer par l’appel d’air. Mais quelle est cette folie qui semble avoir gagné le groupe ? Ça vacille, et la ronde ressemble soudain à une danse de Saint Guy, les matières capitonnées deviennent l’indice de la cellule matelassée d’un hôpital psychiatrique, et la scène semble tout droit surgir de la Nef des fous.

Juste à côté, la farandole se fige dans une bulle de savon, un temps suspendu. Un groupe de femmes s’échappe de cette frénésie, chacune porte une sculpture qui semble la prolonger, à l’instar d’un attribut. Elles apparaissent comme les muses d’une mythologie personnelle. Elles s’érigent en monde et disent : « Si je m’approprie le monde, que ce soit pour m’en déposséder aussitôt, que ce soit pour créer des rapports nouveaux entre moi et le monde. » (Wittig, Les Guérillères, 1969). Elles nous font sentir que tout pourrait être différent. Elles nous font deviner la brèche, et les virtualités à même les choses, à même nos vies.


Frau Trofea

Au mur, deux bas-reliefs s’entortillent l’un dans l’autre. Le premier, bleu nuit et brillant, presque gluant, est comme auréolé d’une lame de métal peinte en noir. La sculpture semble convulser et tenter de rattraper la seconde, au revêtement textile, qui glisse inexorablement vers le sol.


Tortillées I, II, III pas de côté

Trois grandes sculptures à la forme serpentine sont disposées verticalement à divers endroits de l’espace d’exposition - deux d’entre elles sont suspendues au haut d’une cimaise, la troisième appuyée dan un angle. Leur forme s’inspire de la sténographie, une méthode de retranscription phonétique du discours, qui procède par simplification et abréviation dans un esprit comparable à ce qui se fait dans le langage SMS. Mais la forme initiale a comme muté, et a été additionnée d’éléments de latex ou de résine qui l’habillent autant qu’ils la parasitent.


Čahû, Ćantû, Ćestú....x

Disposées sur une grande toile sur laquelle est tendu un tissus à la teinte havane, huit petites sculptures proposent une infinie variation sur le motif du diapason - petite fourche à deux branches, vibrante, qui donn le la de référence et permet au groupe de s’accorder. Le motif semble se transformer d’un bas-relief à l’autre, comme lorsque l’on divague en regardant les nuages et que le vent trouble et déchire les images que notre esprit façonne.


ENTHOUSIASME I, II

Deux bas-reliefs sont accrochés en bas de leur cimaise. Leur forme semble être apparue par stratification, comme les concrétions calcaires d’une grotte souterraine, elles semblent baveuses, dégoulinantes. Et en même temps, leur poids semble lourd, elles sont empesées et ne semblent pas pouvoir virevolter avec la même légèreté que les autres sculptures de l’exposition. Celles-ci sont comme des badauds qui assistent de loin à une fête qui ne les concerne pas.


Fugue, let’s talk in code

Le titre de cet ensemble de quatre pièces fait explicitement référence à l’univers musical, qui oriente l’interprétation de leur forme vers des motifs de flûtes, mais celle-ci pourrait tout aussi bien évoquer des armes telles que des harpons. La confusion est maintenue aussi par la matière des accroches brillantes comme de l’émail, poisseuses comme du silicone.


Les écornifleuses

Des micro-sculptures de résine sont ornées de fils de couleur ou de petits morceaux de tissus, de rebuts de l’atelier. Comme une nuée ou un essaim, elles s’agglomèrent sur d’autres sculptures, viennent les contaminer.


les infernal.x.s

Dans la petite salle est présentée une série de photographies réalisées en collaboration avec la photographe Camille Vivier. Un groupe de cinq femmes portent chacune une sculpture de Cécile Bouffard et semblent esquisser une ronde ou simplement quelques pas de danse dans l’herbe fraîche. Elles sont les muses d’une mythologie personnelle et atemporelle. On ne sait dire s’il s’agit de portraits des femmes ou des sculptures, chacune semblant être le prolongement de l’autre.